Chaque année, en particulier cette dernière décennie avec la montée en puissance de Drosophila suzukii, la production de fraise est confrontée aux ravageurs qui menacent les rendements et la qualité des fruits. Ces pucerons sont habituellement contrôlés par des insecticides pour lesquels il n'existe pas encore de solution alternative efficace. Face à la volonté des producteurs de réduire l'utilisation de pesticides, la société Frais'Nat - créée en mars 2021 par l'AOPn Fraises de France et la coopérative Savéol - a lancé le projet 'Aphidius 2.0', en mars dernier. Ce projet est financé par l'Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre de l'appel à projets Écophyto-Maturation, en collaboration avec l'Inrae de Rennes (UMR IGEPP), Savéol et la Scaafel. Objectif ? Élever des parasitoïdes optimisés pour la culture de la fraise et améliorer les lâchers en serres afin d'ouvrir de nouvelles perspectives à la lutte biologique.

Une substitution partielle ou totale des traitements chimiques

L'objectif du projet 'Aphidius 2.0' est de proposer des méthodes innovantes pour élever et lâcher des parasitoïdes, afin de contrôler les pucerons des fraisiers sous serre. Ce projet est coordonné par Frais'Nat, entreprise dédiée à la recherche et au développement du contrôle biologique pour les cultures de fraises. 'Aphidius 2.0' représente un investissement de 300 000 € sur trois ans visant à réduire l'utilisation de produits phytosanitaires.

"Bien que largement expérimentée, la lutte biologique contre les pucerons avec les auxiliaires vendus actuellement sur le marché reste souvent inefficace, car ces insectes élevés en masse ne sont pas spécifiquement adaptés à la culture de la fraise. Les solutions nouvelles sur lesquelles nous travaillons dans le cadre du projet 'Aphidius 2.0' s'adaptent précisément aux contraintes de ces cultures. Elles devraient permettre la substitution partielle ou totale d'un à trois traitements insecticides actuellement utilisés contre les pucerons des fraisiers", explique Estelle Postic, ingénieure recherche et développement pour Frais'Nat et coordinatrice du projet 'Aphidius 2.0'.

Pour la première fois, avec Frais'Nat, la filière des fraises françaises se dote donc de son propre élevage d'insectes, des hyménoptères parasitoïdes, situé à Guipavas (Finistère) dans les locaux de Savéol Nature. Concrètement, l'objectif est d'optimiser l'élevage des parasitoïdes en travaillant sur leur variabilité génétique et sur leur hôte d'élevage. Parallèlement le projet consiste également à tester différentes stratégies d'apport des parasitoïdes via des plantes relais qui hébergent les insectes en attendant que le fraisier soit suffisamment mature. Enfin, l'enjeu durant ces trois ans est également l'analyse des coûts et de la logistique, afin de s'assurer de la faisabilité de l'adoption de ces nouvelles solutions par les producteurs. Afin de mener à bien ce projet, Frais'Nat vient de recruter un technicien d'élevage d'insectes en charge de ces stratégies innovantes.

Produire des hyménoptères parasitoïdes

Après avoir commencé à constituer en 2021 et 2022 des souches de parasitoïdes chez des producteurs de fraises, en Bretagne et Lot-et-Garonne, Frais'Nat expérimente actuellement différentes populations de ces parasitoïdes en serre expérimentale. Les premiers tests en conditions de productions débuteront en 2023 chez des producteurs de Savéol et de la Scaafel. Frais'Nat espère commercialiser aux producteurs de fraises françaises de l'AOPn Fraises de France ses premiers parasitoïdes d'ici 2024.

Plus largement, l'AOPn Fraises de France est très active en termes de recherche et développement, avec notamment le lancement à la fin du mois de juin d'un nouvel appel à projet dédié aux équilibres de fertilisation, et dont le but est de réaliser des économies d'engrais, d'optimiser les rendements et la qualité et tenue du fruit. Plusieurs projets sont également en co-financement avec le centre d'expérimentation de la filière fruits et légumes Invenio. Ils portent sur la sélection de plantes de services répulsives sur les ravageurs (financé par FranceAgriMer), ou encore sur des solutions alternatives aux produits phytosanitaires.