Var 27/01/2023
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AOC Côtes de Provence

À l'épreuve du réchauffement climatique

Comment s'adapter aux conséquences du réchauffement climatique pour continuer à produire des vins de qualité ? La question est au centre des préoccupations de l'ODG des Côtes de Provence, qui y consacrait sa journée technique annuelle le 16 janvier, aux Arcs-sur-Argens.

Comment s'adapter aux conséquences du réchauffement climatique pour continuer à produire des vins de qualité ? La question est au centre des préoccupations de l'ODG des Côtes de Provence.

© Crédit photo : Pixabay

"Aujourd'hui, c'est un fait, on se rend tous compte des effets du réchauffement climatique dans nos exploitations. On voit aussi que cela a des impacts sur nos vins. Il est donc primordial de travailler sur les évolutions des années à venir. On en parle aussi à l'Inao, et c'est la première fois qu'en comité national, on dit qu'il va falloir que l'on ait des process d'amélioration des cahiers des charges, par rapport au changement climatique. Il y a une véritable prise de conscience. On a validé le fait que les expérimentations liées au réchauffement climatique devront être accélérées et devront se baser à la fois sur les études faites dans les appellations et au niveau des instituts techniques. On est au début de cette histoire, et le syndicat des Côtes de Provence est là pour accompagner ce travail, car il en va de l'avenir de nos produits", entame Éric Pastorino, président du syndicat de l'appellation des Côtes de Provence, face aux quelque 250 personnes venues participer à la journée technique de l'ODG, ce 16 janvier, au Château Sainte Roseline.

Hausse des températures, augmentation de la fréquence et de la durée, mais aussi de la précocité des vagues de chaleur, baisse du cumul des précipitations, épisodes intenses de sécheresse, gels tardifs destructeurs, malgré la diminution du nombre total de jours de gel enregistrés..., les conséquences du changement climatique se font sentir tout au long de l'année au vignoble.

Différentes pratiques à réfléchir

Face à ces aléas, "le cauchemar des vigneronnes et des vignerons actuellement, c'est la variabilité imprévisible des millésimes", estime Alain Deloire, spécialiste de la physiologie vigne-raisin de l'Institut Agro de Montpellier. Et le dérèglement climatique pose notamment la question du rôle de l'eau sur le fonctionnement vigne-raisin et sur les profils des vins. "Si on doit irriguer aujourd'hui, ce n'est certainement pas entre deux dates fixées par l'administration, mais en fonction des besoins de la vigne. En moyenne, il faut 250 à 350 litres d'eau au vignoble pour produire un litre de moût. Mais cela se calcule évidemment au cas par cas, en fonction de la réserve utile du sol, de la surface foliaire et des rendements", souligne l'enseignant chercheur.

L'eau et la taille

Pour une irrigation de précision, il convient donc de mesurer l'état hydrique de la vigne, la teneur en eau du sol et la demande climatique. "La vigne est capable de s'adapter en fonction du sol et de ses racines, mais attention toutefois : selon la période, différentes fonctions peuvent être impactées", explique Alain Deloire. "La maturation du raisin commence finalement dès la nouaison. À partir du plateau de chargement en sucres, il n'y a plus de connexion entre la plante et le fruit, mais les baies continuent à perdre de l'eau, sans que l'on puisse vraiment compenser par l'irrigation. Ainsi, l'augmentation du degré alcoolique n'est pas dû au fait qu'il y ait plus de sucre dans les baies, mais à ces pertes en eau. En modifiant l'état hydrique de la vigne avant véraison, on peut agir sur le volume du fruit. Mais attention à ne pas perturber la physiologie et la typicité du produit", poursuit-il.

Le manque d'eau doit également interroger les densités de plantation et les modes de conduite. La taille est notamment à réfléchir.

Le groupe Vranken Pommery Monopole, propriétaire du Château La Gordonne en Provence, s'est penché sur la question. "Tout ce qui se fait en année N-1 a un impact sur les années N et N+1. Le rendement viticole se constitue sur deux années consécutives, et il y a énormément de variables d'une année à l'autre. Le premier acte qui détermine le rendement, c'est la taille de la vigne", introduit Julien Fort, ingénieur agronome et directeur des vignobles du groupe. Une étude de cinq ans a été menée sur les 300 hectares de La Gordonne, et sur 1 750 ha de vignoble en Camargue. Un diagnostic technique et agro-climatique à la parcelle a été réalisé, pour déterminer les leviers à actionner sur plus plus de 300 parcelles et une dizaine de cépages. "On a observé que 35 % des pieds étaient déséquilibrés, avec des pertes de rendement. Quant au rendement potentiel, il est meilleur sur des vignes de 30 ou 40 ans que sur des vignes plus jeunes. Ce qui montre la dégradation des méthodes de taille sur les deux dernières décennies", expose Julien Fort. "De bonnes pratiques de taille non mutilantes ont permis d'optimiser le volume des baies de 10 à 15 % selon le millésime", indique-t-il.

En parallèle l'évaluation du statut hydrique de la vigne est venue renforcer la stratégie d'irrigation, de sorte à favoriser le développement végétatif, à optimiser le débourrement sur les bourgeons latents laissés à la taille et le nombre de baies par grappe, le grossissement cellulaire, ou encore la mise en réserve et la formation du rendement en N+1.

Le sol comme base de travail

L'entretien du sol est un autre levier d'importance face au réchauffement climatique, et diverses expériences sont conduites sur le vignoble de l'AOC Côtes de Provence. L'association des vignerons de la Sainte-Victoire, dénomination géographique complémentaire de l'appellation, travaille, par exemple, depuis plusieurs années déjà, sur l'apport massif de matière organique affinée (MVA), issue de déchets verts broyés et criblés du territoire, et utilisée en compost frais hygiénisé. La pratique montre des effets "à la fois sur la vie et la structure du sol. On voit aussi une meilleure colonisation des racines en complantation et un effet positif sur l'activité enzymatique des micro-organismes du sol", note Jean-Jacques Balikian, directeur de l'association.

Plus récemment, l'ICV Provence et l'ODG des Côtes de Provence ont entrepris de tester différentes stratégies de gestion des couverts végétaux en contexte provençal, dans l'objectif de les piloter en évitant les concurrences hydrique et azotée, de protéger les sols, d'améliorer leur stabilité et leur capacité d'infiltration, et d'enrichir la biodiversité. Sur une parcelle du Luc, quatre modalités ont été mises en place : un enherbement naturel détruit mécaniquement au débourrement ; un engrais vert en semis direct broyé, puis enfoui mécaniquement avant floraison ; un couvert végétal en semis direct roulé avant floraison ; et un couvert semé après décompaction et roulé avant floraison.

Stabilité structurale, température et humidité du sol, vitesse d'infiltration de l'eau, statut hydrique de la vigne, mais aussi qualité et quantité de raisin, ainsi que coûts économiques ont été mesurés, afin d'éclairer les choix des vignerons. "Le choix des espèces, la longueur des cycles, l'origine des semences, le matériel, la période et la méthode de semis et de destruction sont des pratiques qui doivent s'adapter aux objectifs et conditions de production, ainsi qu'aux contraintes de l'année. Il est donc important de tester et d'échanger", souligne Jean Andres, conseiller viticole de l'ICV Provence.

Des leviers œnologiques

En cave, si des outils œnologiques permettent de corriger certains effets dus au climat, le pilotage des vendanges reste un aspect essentiel à la production des vins, et notamment des rosés, typiques de la Provence. À ce chapitre, Jacques Rousseau, directeur technique de l'ICV, insiste sur la nécessité d'un suivi précoce, régulier et rigoureux des maturités, ainsi que sur l'attention à porter à la contrainte hydrique qui, outre la grosseur des baies, impacte aussi les équilibres sucres/acides, le pH, les tanins ou encore les anthocyanes. "Le degré potentiel n'est pas suffisant pour caractériser le potentiel qualitatif et le niveau de maturité. Et ce ne sont pas les parcelles les plus vigoureuses qui vont donner les meilleurs rosés", rappelle-t-il.

Au volet œnologique, récolte, réception et extraction sont des étapes clés pour optimiser la vendange. Et pour mieux comprendre et défendre ce qui fait la spécificité du savoir-faire provençal, l'ICV Provence travaille, depuis 2016, à la construction d'un outil baptisé "diagnostic rosé", aujourd'hui opérationnel. "Il s'agit d'une méthode d'audit pour évaluer les différents ateliers de récolte, réception, extraction et préparation, qui prend en compte l'organisation, les flux, et les compétences en cave, afin de découler sur un plan d'action", présente Arnaud Morand, œnologue conseil en charge du projet.

Finalement, à la vigne comme en cave, pour le syndicat des Côtes de Provence, il est essentiel qu'instituts techniques et vignerons, de plus en plus expérimentateurs, continuent d'innover et s'organisent pour apporter des réponses aux enjeux du changement climatique. 

Gabrielle Lantes •

Quelles évolutions climatiques à l'horizon 2050 dans le Var ?

"Les évolutions du changement climatique dépendront de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre", rappelle Antoine Nicault, coordinateur du Grec Sud, groupe d'expert sur le climat en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Docteur en biologie et écologie, le scientifique explique que "nos actions actuelles ne changeront rien avant 2040. Mais si l'on répond aux objectifs bas carbone de la Cop 21, dans le département du Var, l'augmentation de température se stabiliserait à +2°C à l'horizon 2050. À +3°C selon un scénario intermédiaire. Si on ne fait rien, cela pourra atteindre +6°C", alerte-t-il.

Sans compter "la grande incertitude concernant l'évolution des précipitations, complexe à évaluer, avec une diminution des cumuls de l'ordre de 10 à 20 % au-delà de 2050", et "la très forte hausse du risque incendie".

D'après les projections du scénario intermédiaire présenté par Antoine Nicault, en 2050, dans le Centre Var, la température maximale moyenne estivale augmenterait de 2,1°C par rapport à la période de référence 1976-2005. Le nombre moyen de jours par an de vagues de chaleur passerait de 2 à 17, celui des nuits tropicales de 13 à 19. Le nombre de jour de gel diminuerait, quant à lui, de 19 à 10, sans pour autant réduire l'exposition des cultures au risque, en raison de l'intensité des épisodes de gel tardif et de l'avancement du cycle végétatif.

Gabrielle Lantes •

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